Photo : Gravelot siffleur © Vincent Lemoine

230 espèces mentionnées sur l'île de Saint-Martin des Antilles (Interview de Vincent Lemoine)

Dans le cadre du Life BIODIV’OM, un projet de protection de la nature à l’échelle de 5 Outre-mers français coordonné par la LPO et co-financé par l’UE, Vincent Lemoine est parti recenser l’avifaune de l’île de Saint-Martin dans les Antilles et animer la plateforme de collecte de données « Faune Antilles ». Toutes les données collectées sur la plateforme viendront alimenter le volet « Cartes » d’ODF et, dans un deuxième temps, les fiches espèces. De retour de sa mission, qui a duré 4 mois, Vincent répond à nos questions.

1-Vincent, vous êtes parti durant 4 mois à Saint-Martin pour effectuer un recensement de l’avifaune de l’île dans le cadre du projet Life BIODIV’OM. Pouvez-vous nous en dire plus sur les enjeux et les grandes étapes qui ont rythmé votre séjour ?

La mission consistait à acquérir des données ornithologiques manquantes pour désigner les ZICO (Zone Importante pour la Conservation des Oiseaux) de la partie française de Saint-Martin.

Les connaissances qui étaient disponibles sur l’avifaune concernaient principalement les oiseaux d’eau et marins, il existait très peu de données sur les oiseaux « terrestres ».

Étant donné que le terrain a été effectué durant la période hivernale (novembre 2022 à février 2023), il n’a pas été possible d’acquérir des nouvelles données sur les oiseaux marins, sauf pour le Phaéton à bec rouge. Un maillage (500 m) a été effectué sur l’ensemble de la partie française. Le but a été d’effectuer le maximum de mailles avec comme objectif d’avoir des données pour chaque maille d'1 km afin d’avoir une idée globale de l’avifaune. Tous les matins des mailles étaient prospectées et une fois par mois toutes les zones humides étaient inventoriées. Deux comptages (un en janvier et un en février) ont été effectués depuis la mer avec le bateau de la Réserve Naturelle de Saint-Martin sur des secteurs potentiels de nidification du Phaéton à bec rouge.

2-En l’espace de 6 mois la plateforme Faune Antilles, en ligne depuis le 6 octobre 2022, s’est enrichie de plus de 11 000 données grâce à 86 contributeurs. Etes-vous satisfait du résultat ? Ces données concernent-elles seulement les oiseaux ?

Oui, je suis satisfait que la plateforme soit utilisée de manière régulière. Concernant le nombre de données, il faut tout de même relativiser puisque la moitié des données sont issues de mes différents comptages à Saint-Martin.

La grande majorité des données concernaient des oiseaux (80,2 % soit 8 537 données), puis des papillons de jour (11,8 % soit1 261 données), des reptiles (4,3 % soit 462 données), des odonates (2,3 % soit 243 données). Les autres taxons "amphibiens, mammifères, chauves-Souris et mammifères marins" étaient encore peu représentés : 1,4 % (129 données).

3-L’île de Saint Martin est divisée en deux territoires, le nord est français et le sud est néerlandais. Votre mission concernait-elle l’ensemble de l’île ou seulement la partie française ?

Seule la partie française a été prospectée. Le projet Life BIODIV’OM ne concerne que les territoires français d’Outre-Mer.

4-Comment qualifieriez-vous l’état de l’avifaune à Saint-Martin ?

Un des objectifs de cette mission a été d'établir une liste des espèces d’oiseaux de l’île de Saint-Martin à partir de recherche bibliographique et consultation de diverses bases de données, sans distinction entre les parties française et néerlandaise. L’île est de petite taille (93 km²) et un total de 230 espèces a tout de même été inventorié, dont 29 espèces non homologuées*. L’avifaune de l’île de Saint-Martin est pauvre en espèces sédentaires (59 dont 14 exotiques), aucune espèce endémique stricte et seulement 8 espèces à répartition restreinte (endémiques des Petites Antilles ou endémique de la Caraïbe). L’avifaune est surtout représentée par des espèces migratrices qui fréquentent l’île pendant leur halte migratoire et en hivernage pour les oiseaux d’eau et les passereaux, ainsi qu'en période de reproduction pour les oiseaux marins.

Espèces dont l'observation est mentionnée par le passé sur l'île mais dont la donnée n'a pas pu être validée faute de preuve fournie (description, photo...).

5-Le cœur de votre mission consistait à faire un état des lieux de l’avifaune de l’île de Saint-Martin. Comment avez-vous organisé vos recensements ? Quel(s) protocole(s) avez-vous appliqué(s) ? Avez-vous recensé d’autres taxons ? Etiez-vous seul ou accompagné par un groupe d’ornithologues/naturalistes locaux ?

Toute la partie française a été découpée en maille de 500 m « probables » (202). Au final 148 mailles ont été prospectées et toutes les mailles remontées à 1 km ont été visitées (65). Le protocole EPOC-ODF a été réalisé : 3 comptages de 5 minutes à la suite. Les données étaient directement saisies sur l’application NaturaList sous le module EPOC-ODF. Je n’ai rencontré qu’un ornithologue actif sur l’île, un néerlandais avec qui j’ai fait des sorties mais pas dans le cadre de la mission. J’ai réalisé seul la quasi-totalité des comptages, je n’ai jamais été accompagné par un autre ornithologue, juste par trois personnes voulant voir comment se déroulait le protocole EPOC.

Ces EPOC étaient effectués tôt le matin et le nombre de mailles effectuées dépendait de leur localisation sur l’île par rapport à mon logement et surtout à leur accessibilité à pied, l’île de Saint-Martin est une île avec un fort relief central. Ils étaient terminés le plus souvent à 9 h compte-tenu des fortes chaleurs qui commençaient très rapidement. Les comptages des oiseaux d’eau s’effectuaient sur deux jours de suite une fois par mois (16 sites à visiter), certains sites nécessitant plusieurs points de comptage.

Vincent sur l'île de Tintamarre

6-Les programmes STOC et SHOC ont-ils été développés sur Saint-Martin comme ça a été le cas en Martinique ou en Guadeloupe ? Si non, est-ce en projet ?

Aucun de ces programmes n’est réalisé à Saint-Martin côté français. Peu de temps après mon départ de l’île, des points d’écoute ont été effectués sur quelques sites de la partie néerlandaise par la structure EPIC (Environnemental Protection in the Caribbean), l’entité qui a réalisé jusqu'ici le plus de suivis ornithologiques sur l’île de Saint-Martin. L’AGRNSM qui gère la RN de Saint-Martin, effectue des comptages d’oiseaux d’eau et marins mais aucun des salariés n’a de compétences complètes pour effectuer des points d’écoute.

En Martinique et en Guadeloupe, le programme STOC est effectué respectivement depuis 2012 et 2014, mais le programme SHOC n’y a pas encore été initié.

7-L’île de Saint Martin comporte une Réserve Naturelle Nationale qui constitue une Aire Marine Protégée. Dans le cadre du projet LIFE BIODIV’OM, la Réserve collabore avec le GEPOG pour préserver les espèces sentinelles, notamment le Mérou géant. Quelles espèces au sein de l’avifaune de l’île de Saint Martin avez-vous identifiées comme prioritaires ? Quelles menaces pèsent sur elles ? Y-a-t ’il des actions de conservation mises en place ?

J’ai désigné 16 espèces déterminantes pour la partie française : des espèces sédentaires et des espèces migratrices nicheuses, soit du fait de leur rareté à Saint-Martin, soit de l'importance de leurs effectifs reproducteurs sur l’île, comme sur le banc d'Anguilla.

Pour l’instant, la pression foncière est la menace la plus importante qui pèse sur leurs habitats, qui sont limités sur l’île.

L’île de Saint-Martin a une superficie de 93 km² et la partie française ne couvre que 53 km². Sur le littoral, cette pression est très importante et anarchique et seuls les mornes (petites montagnes) sont relativement épargnés. La grande majorité du territoire appartient à des privés et très peu de zones sont protégées. De plus, Saint-Martin a voté en 2007 pour devenir un territoire d’Outre-Mer et ne plus dépendre de la Guadeloupe ; ce qui implique qu’elle créera son propre code de l’environnement, en espérant qu’il ne soit pas plus libéral niveau urbanisation...

Sans oublier que l’île est située sur le parcours régulier de cyclones, dévastateurs pour la faune, la flore et leurs habitats.

8-La LPO vous a confié cette mission parce que vous êtes un spécialiste de l’avifaune des Antilles. Pouvez-vous nous raconter brièvement votre parcours ?

J’ai une bonne connaissance de l’avifaune des Antilles françaises puisque j’ai habité quelques années en Martinique.

Je suis ornitho amateur depuis de longues années. D’une formation initiale en océanographie, j’ai été technicien ornitho en Camargue, puis j’ai repris mes études au Québec en réalisant un master de recherche sur la Grande Oie des neiges.

En Martinique, je travaillais en agronomie mais j’ai été un bénévole actif pour l’association SEPANMAR en participant à différents programmes de baguage (passereaux, limicoles, Puffin d’Audubon), ainsi qu’en co-rédigeant des publications sur les oiseaux de l’île.

Après mon départ de la Caraïbe, j’ai continué à m’intéresser à l’avifaune des Antilles dans le cadre de mon auto-entreprise. Depuis plus de dix ans je travaille en collaboration avec deux structures ornithologiques en Guadeloupe.

9-Racontez-nous une anecdote sur votre séjour (votre plus belle observation, par exemple...)

Avant de partir à Saint-Martin, je savais déjà quelles espèces, régulièrement présentes sur l’île, je n’avais pas vu en Martinique et en Guadeloupe. Je ciblais tout particulièrement deux espèces : le Gravelot siffleur et le Gravelot neigeux. J’ai effectué quatre comptages mensuels d’oiseaux d’eau et plusieurs visites répétées sur des sites fréquentés par ces espèces et c'est finalement deux jours avant de partir que j’ai réussi à en voir une (deux individus) :  le magnifique et rare Gravelot siffleur.

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